PRÉFACE DE PIERRE BARON DIRECTEUR DE LA RÉDACTION D’HISTORIA
Le propre des idées reçues est qu’elles ne le sont quasiment jamais par hasard. L’histoire officielle, celle que les vainqueurs seuls écrivent, a toutes les chances d’être passée par là. En lançant ce qui n’était alors qu’une rubrique dans Historicité voulais montrer à quel point nous en étions toutes et tous, peu ou prou, imprégnés bien malgré nous. Souvent dès l’école. La lecture de ces pages devrait vous en convaincre aisément.
L’idée reçue dérange car elle révèle bien souvent un savoir erroné. C’est surtout vrai en ce qui concerne les religions (y compris pour le christianisme), mais on peut étendre cette méconnaissance à bien d’autres domaines. Le maître en la matière, souvent imité, jamais égalé, est un certain Gustave Flaubert. Son Dictionnaire des idées reçues abonde en clichés navrants, colportés aussi bien aux comptoirs que dans les dîners mondains, sur l’histoire, la politique, la médecine ou les arts. Justes dans leur charme féroce. Pertinents parce qu’impertinents. Un régal, certes un peu cruel, comme celui des micros-trottoirs, mais toujours opérant.
L’idée reçue est d’autant plus insidieuse quelle s’admet facilement : on ne la remet pas en cause. Pire : elle est donnée et reçue comme ayant force de vérité.
L’idée reçue a son mérite. Celle ou celui qui la réfute avec argument fait toujours son petit effet en société. Essayez, vous verrez. Vous allez pouvoir en étonner plus d’un. A commencer par vous-même ! C’est garanti. Sceptique ? Jetez donc un petit coup d’œil au sommaire de cet ouvrage.
LE DIMANCHE A TOUJOURS ÉTÉ CHÔME
La genèse dit que Dieu s’est reposé le septième jour de la semaine. Alors, depuis l’avènement du christianisme, c’est jour de repos : FAUX
Au tout début du XXe siècle, la loi du 13 juillet 1906 institue le dimanche en jour de repos obligatoire. L’origine de ce choix est religieuse et se trouve dans la Bible. On y lit effectivement qu’« au septième jour, Dieu conclut l’ouvrage qu’il avait fait et, au septième jour, il chôma » (Genèse, 2, 2). L’étymologie même du mot dimanche l’exprime, dies Dominicus, « jour du Seigneur ». Les premiers chrétiens, tout en observant le sabbat juif, célèbrent rapidement le dimanche, considéré comme le jour de la résurrection du Christ. Dès lors, l’Église ne va pas cesser de proclamer l’obligation d’adorer Dieu et d’assister ce jour-là à la messe. Sans reconnaissance légale cependant jusqu’à un édit de l’empereur Constantin en 321 qui fixe le jour du Seigneur comme jour férié dans l’Empire romain. Dans les faits, l’obligation d’assister à l’office religieux plus que l’obligation de repos hebdomadaire s’impose au fil du temps.
Au XVIIIe siècle, des philosophes développent tout un argumentaire économique en faveur du travail le dimanche. L’article qui lui est consacré dans l’Encyclopédie y vante l’activité, qui ne doit pas s’arrêter, pour l’enrichissement de tous. Pendant la Révolution française, le calendrier grégorien est supprimé et remplacé pai un calendrier révolutionnaire qui institue des semaines de dix jours faisant disparaître le dimanche. La politique de déchristianisation menée vise à éradiquer toute référence religieuse. Le calendrier grégorien et le dimanche sont finalement rétablis par Napoléon en 1806.
Sous la Restauration, les Bourbons essaient d’imposer le repos dominical. Une « loi pour la sanctification du dimanche » est même promulguée en 1814 prévoyant des sanctions en cas de manquement, mais sans grand succès. Avec l’avènement de la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe Ier en 1830, les sanctions ne sont même plus appliquées. La pratique repos le dimanche recule particulièrement dans les régions industrialisées. Les ouvriers y voient un manque à gagner et les républicains anticléricaux le perçoivent comme un élément de l’ « ordre moral ». En 1880, les lois de 1814 sont abolies. Le dimanche peut être travaillé comme tout autre jour ; l’employeur est libre d’accorder ou non un jour de repos hebdomadaire et de le fixer à sa convenance.
Un mouvement de contestation apparaît cependant. Les catholiques sociaux défendent le caractère familial du dimanche et sont rejoints par certains députés de gauche. La loi est assouplie en faveur des femmes et des mineurs. Enfin, le 13 juillet 1906, une loi est votée, qui concède un jour de repos hebdomadaire.
Le dimanche n’est accepté que parce que c’est le jour le plus communément accordé pour les femmes et les mineurs par les entreprises. Il perd de plus en plus son caractère religieux et la loi ne sera vraiment appliquée qu’après la Première Guerre mondiale.
Le dimanche est désormais un acquis… mais jusqu’à quand ?
150 IDEES RECUES SUR L’HISTOIRE- Olivier Tosseri : LE DIMANCHE A TOUJOURS ÉTÉ CHÔME– First Histoire – pp. 230-231
LE DIMANCHE A TOUJOURS ÉTÉ CHÔME : VRAI OU FAUX?
PRÉFACE DE PIERRE BARON DIRECTEUR DE LA RÉDACTION D’HISTORIA
Le propre des idées reçues est qu’elles ne le sont quasiment jamais par hasard. L’histoire officielle, celle que les vainqueurs seuls écrivent, a toutes les chances d’être passée par là. En lançant ce qui n’était alors qu’une rubrique dans Historicité voulais montrer à quel point nous en étions toutes et tous, peu ou prou, imprégnés bien malgré nous. Souvent dès l’école. La lecture de ces pages devrait vous en convaincre aisément.
L’idée reçue dérange car elle révèle bien souvent un savoir erroné. C’est surtout vrai en ce qui concerne les religions (y compris pour le christianisme), mais on peut étendre cette méconnaissance à bien d’autres domaines. Le maître en la matière, souvent imité, jamais égalé, est un certain Gustave Flaubert. Son Dictionnaire des idées reçues abonde en clichés navrants, colportés aussi bien aux comptoirs que dans les dîners mondains, sur l’histoire, la politique, la médecine ou les arts. Justes dans leur charme féroce. Pertinents parce qu’impertinents. Un régal, certes un peu cruel, comme celui des micros-trottoirs, mais toujours opérant.
L’idée reçue est d’autant plus insidieuse quelle s’admet facilement : on ne la remet pas en cause. Pire : elle est donnée et reçue comme ayant force de vérité.
L’idée reçue a son mérite. Celle ou celui qui la réfute avec argument fait toujours son petit effet en société. Essayez, vous verrez. Vous allez pouvoir en étonner plus d’un. A commencer par vous-même ! C’est garanti. Sceptique ? Jetez donc un petit coup d’œil au sommaire de cet ouvrage.
LE DIMANCHE A TOUJOURS ÉTÉ CHÔME
La genèse dit que Dieu s’est reposé le septième jour de la semaine. Alors, depuis l’avènement du christianisme, c’est jour de repos : FAUX
Au tout début du XXe siècle, la loi du 13 juillet 1906 institue le dimanche en jour de repos obligatoire. L’origine de ce choix est religieuse et se trouve dans la Bible. On y lit effectivement qu’« au septième jour, Dieu conclut l’ouvrage qu’il avait fait et, au septième jour, il chôma » (Genèse, 2, 2). L’étymologie même du mot dimanche l’exprime, dies Dominicus, « jour du Seigneur ». Les premiers chrétiens, tout en observant le sabbat juif, célèbrent rapidement le dimanche, considéré comme le jour de la résurrection du Christ. Dès lors, l’Église ne va pas cesser de proclamer l’obligation d’adorer Dieu et d’assister ce jour-là à la messe. Sans reconnaissance légale cependant jusqu’à un édit de l’empereur Constantin en 321 qui fixe le jour du Seigneur comme jour férié dans l’Empire romain. Dans les faits, l’obligation d’assister à l’office religieux plus que l’obligation de repos hebdomadaire s’impose au fil du temps.
Au XVIIIe siècle, des philosophes développent tout un argumentaire économique en faveur du travail le dimanche. L’article qui lui est consacré dans l’Encyclopédie y vante l’activité, qui ne doit pas s’arrêter, pour l’enrichissement de tous. Pendant la Révolution française, le calendrier grégorien est supprimé et remplacé pai un calendrier révolutionnaire qui institue des semaines de dix jours faisant disparaître le dimanche. La politique de déchristianisation menée vise à éradiquer toute référence religieuse. Le calendrier grégorien et le dimanche sont finalement rétablis par Napoléon en 1806.
Sous la Restauration, les Bourbons essaient d’imposer le repos dominical. Une « loi pour la sanctification du dimanche » est même promulguée en 1814 prévoyant des sanctions en cas de manquement, mais sans grand succès. Avec l’avènement de la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe Ier en 1830, les sanctions ne sont même plus appliquées. La pratique repos le dimanche recule particulièrement dans les régions industrialisées. Les ouvriers y voient un manque à gagner et les républicains anticléricaux le perçoivent comme un élément de l’ « ordre moral ». En 1880, les lois de 1814 sont abolies. Le dimanche peut être travaillé comme tout autre jour ; l’employeur est libre d’accorder ou non un jour de repos hebdomadaire et de le fixer à sa convenance.
Un mouvement de contestation apparaît cependant. Les catholiques sociaux défendent le caractère familial du dimanche et sont rejoints par certains députés de gauche. La loi est assouplie en faveur des femmes et des mineurs. Enfin, le 13 juillet 1906, une loi est votée, qui concède un jour de repos hebdomadaire.
Le dimanche n’est accepté que parce que c’est le jour le plus communément accordé pour les femmes et les mineurs par les entreprises. Il perd de plus en plus son caractère religieux et la loi ne sera vraiment appliquée qu’après la Première Guerre mondiale.
Le dimanche est désormais un acquis… mais jusqu’à quand ?
150 IDEES RECUES SUR L’HISTOIRE- Olivier Tosseri : LE DIMANCHE A TOUJOURS ÉTÉ CHÔME– First Histoire – pp. 230-231