LA MISE EN PLACE DES INSTITUTIONS

PARTIE 3 : LE PREMIER GOUVERNEMENT ET LA CONSTITUTION DU CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL
L’ancien secrétaire d’État aux Finances, Antoine Konan Kanga, sera affecté à la succession du président de la République à la mairie centrale d’Abidjan. On se souvient qu’Houphouët était devenu premier magistrat de cette commune depuis l’élection du 18 novembre 1956.
Le jour où il reçoit Konan Kanga pour l’informer de sa révocation du gouvernement, il lui promet de le déléguer dans les fonctions de maire d’Abidjan que lui-même ne peut plus assumer. Nous sommes un trop grand nombre de Baoulés au gouvernement, fait-il valoir à son hôte. Pour corriger ce déséquilibre, il envisage d’envoyer Aoussou Koffi créer l’ambassade de Côte d’ivoire à Rome. « Quant à toi, confie-t-il à Konan Kanga, tu seras nommé maire d’Abidjan, mais pas avant le 16 janvier. » Comme l’homme semble se formaliser d’une telle promotion alors qu’il n’est que le sixième des adjoints du maire, le président lui explique qu’Antoine Filidori et René Fomier, premier et quatrième adjoint, s’apprêtent à quitter définitivement la Côte d’ivoire pour se retirer en France. Il a l’intention de confier au deuxième adjoint, Jean Delafosse, jusque-là ministre d’État, la présidence du Conseil économique et social. Le troisième adjoint, Jean Porquet, ne sera pas maire au-delà du 15 janvier 1961. Il ira à Berne pour ouvrir l’ambassade de Côte d’ivoire en Suisse. Il reste Albert Paraiso, le cinquième adjoint. Il est dahoméen, rappelle Houphouët à son interlocuteur. Deux ans après les violences qui ont visé ses congénères en Côte d’ivoire, comment un Ivoirien, fût-il le président de la République, peut-il raisonnablement défendre la nomination d’une personnalité de cette origine à la mairie centrale d’Abidjan ?
Albert Coffi Osmane Paraiso était effectivement originaire de Porto Novo, où il avait vu le jour le 3 juin 1910. Il était arrivé en Côte d’ivoire en 1945 comme secrétaire des Greffes et Parquets. Sympathisant du PDCI à la création de ce parti, il avait assisté à la naissance du RDA à Bamako en octobre 1946 et était devenu, aussitôt après, secrétaire à la propagande du PDCI-RDA. Il avait exercé en 1948 les fonctions de conseiller général de la Côte d’ivoire pour la circonscription de Bouaké’. Houphouët lui propose en 1961 d’entrer au cabinet du président de la République comme chargé de mission.
Ainsi étaient scellés les sorts de Jean Delafosse et d’Antoine Konan Kanga. Il ne restait Plus que celui d’Ernest Boka. L’homme est vraiment réduit à rien, car il ne peut même pas trouver à s’occuper au bureau de la JRDACI auquel il n’appartient pas, bien qu’il ait donné au mouvement son manifeste, au mémorable congrès de mars 1959. Houphouët annonce, toujours devant l’Assemblée nationale le mardi 3 janvier 1961, qu’il le nomme à la présidence de la Cour suprême.
La nouvelle équipe gouvernementale, si elle comporte plusieurs partants, enregistre également quelques entrées, trois au total. Deux de ces entrants sont des inconditionnels d’Houphouët : Koffi Gadeau, ci- devant secrétaire à l’organisation du PDCI-RDA, hérite du portefeuille de l’intérieur laissé vacant par Mockey, et Mathieu Ekra, secrétaire général de la sous-section RDA de Treichville, est appelé à cumuler les portefeuilles de la Fonction publique et de l’information, détenus précédemment par Boka et Bocoum. La troisième recrue, Tidiane Dem, a été un des plus éminents adversaires d’Houphouët au cours des vingt précédentes années. Le portefeuille qui lui échoit est une nouveauté totale, l’Élevage.
Un poste qui aurait dû justifier l’entrée d’un nouveau ministre au gouvernement est celui des Affaires étrangères. Le portefeuille n’existait pas dans le cabinet du 30 avril 1959, la fonction étant, avant l’indépendance, assumée par Paris. Houphouët y supplée, non pas par une nouvelle nomination, mais en se réservant la charge à lui-même.
C’est à la même réunion de ce mardi 3 janvier 1961 que le président de la République donne connaissance de la composition du Conseil économique et social. Puis il annonce, pour le 12 janvier, l’installation de cette institution qui sera la troisième en Côte d’Ivoire, après la présidence de la République et !’Assemblée nationale, et avant la Cour suprême

Le Conseil économique et social est effectivement placé, comme Houphouet en avait fait la confidence à Antoine Konan Kanga, sous la présidence de Jean Delafosse, et il regroupe vingt-quatre hauts cadres ivoiriens.
« Notre pays, libéral et démocrate, commentera le chef de l’État à la cérémonie d’investiture, se devait de créer et de mettre à la disposition de la nation une telle Assemblée dans laquelle seront étudiés, confrontés et délibérés les problèmes économiques et sociaux qui se poseront en Côte d’ivoire, comme dans tous les Etats où la liberté est une réalité accessible à tous les citoyens… »
Un cinquième des membres de P institution – Jacques Joigny, Pierre Bonjour, Raymond Desclercs, Charles Borg et Pierre Chichet – sont des figures françaises de la vie politique ivoirienne. Il n’est pas difficile de voir qu’ils représentent, dans les instances suprêmes du pouvoir en Côte d’ivoire, les Français qui résident dans ce pays, y travaillent, contribuent à son développement et qui n’ont pas jugé nécessaire de s’en éloigner après l’indépendance. Tous les autres membres sont sans exception des militants du PDCI-RDA, généralement proches des milieux d’affaires ou employés dans la gestion des biens publics

In ENFIN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Chapitre 2 La mise en place des institutions ; p45-p48.
24 octobre 2023 at 19h43
Lucien Delzechi
Très bonne initiative . Je m’abonne Lucien DElZECHI