PRÉFACE DE PIERRE BARON DIRECTEUR DE LA RÉDACTION D’HISTORIA
Le propre des idées reçues est qu’elles ne le sont quasiment jamais par hasard. L’histoire officielle, celle que les vainqueurs seuls écrivent, a toutes les chances d’être passée par là. En lançant ce qui n’était alors qu’une rubrique dans Historicité voulais montrer à quel point nous en étions toutes et tous, peu ou prou, imprégnés bien malgré nous. Souvent dès l’école. La lecture de ces pages devrait vous en convaincre aisément.
L’idée reçue dérange car elle révèle bien souvent un savoir erroné. C’est surtout vrai en ce qui concerne les religions (y compris pour le christianisme), mais on peut étendre cette méconnaissance à bien d’autres domaines. Le maître en la matière, souvent imité, jamais égalé, est un certain Gustave Flaubert. Son Dictionnaire des idées reçues abonde en clichés navrants, colportés aussi bien aux comptoirs que dans les dîners mondains, sur l’histoire, la politique, la médecine ou les arts. Justes dans leur charme féroce. Pertinents parce qu’impertinents. Un régal, certes un peu cruel, comme celui des micros-trottoirs, mais toujours opérant.
L’idée reçue est d’autant plus insidieuse quelle s’admet facilement : on ne la remet pas en cause. Pire : elle est donnée et reçue comme ayant force de vérité.
L’idée reçue a son mérite. Celle ou celui qui la réfute avec argument fait toujours son petit effet en société. Essayez, vous verrez. Vous allez pouvoir en étonner plus d’un. A commencer par vous-même ! C’est garanti. Sceptique ? Jetez donc un petit coup d’œil au sommaire de cet ouvrage.
MAGELLAN A FAIT LE TOUR DU MONDE
Ses cinq caravelles partent en 1519 pour la première circumnavigation. Trois ans plus tard, le capitaine débarque à Séville : FAUX
Grand navigateur et aventurier, il n’a pourtant pas pu terminer son périple autour du monde, étant mort en chemin. Ce qui n’enlève rien au fait que son voyage, dans les conditions de l’époque, soit un exploit. A lire le récit du chevalier Antonio de Pigafetta, l’un des rares survivants de l’expédition, cette prouesse tient davantage de l’épreuve ou du miracle que de la marche victorieuse. Les cinq caravelles de Magellan, aux noms des plus éloquents – San Antonio, Victoria, Conception, Santiago et Trinidad (le navire amiral) et les deux cent quarante hommes de l’expédition s’élancent de Séville le 10 août 1519 et passent sans encombre le cap Vert début octobre. Après ce trajet classique et connu, les dangers inhérents à toutes les traversées océaniques du début du XVI siècle semblent décuplés.
Confrontés à une terrible tempête dans l’Atlantique, les marins n’attendent plus que « l’heure de périr ». L’expédition ne doit son salut qu’aux apparitions de « saint Elme, sainte Claire et saint Nicolas » face auxquels les hommes d’équipage « crient miséricorde ». De fait, ils ont vu ce qu’on appelle depuis les « feux de saint Elme » un phénomène atmosphérique lié à l’orage qui produit des halos de lumière électrique en haut des mâts. Au mois de mars 1520, Magellan et ses hommes font escale dans la baie de San Julian, au Brésil.
Au cours de ces cinq mois d’hivernage, une mutinerie éclate : « Les patrons des autres navires machinèrent une trahison contre le capitaine général pour le vouloir faire mourir », relate Pigafetta.
Magellan fait décapiter Gaspar de Quesada, le capitaine de la Concepciôn puis abandonne Juan de Cartagena, l’ancien capitaine de la San Antonio. À ces rébellions s’ajoute la perte des navires à mesure que progresse l’expédition. La Santiago s’échoue alors qu’elle explore la côte de Patagonie. Les navires restant s’engagent dans le Pacifique, après avoir découvert le célèbre détroit qui portera le nom de Magellan, et atteignent l’archipel de Saint- Lazare, actuelles Philippines le 27 mars 1521. C’est au large de l’île Bohol, avant de reprendre la mer pour les îles Moluques, que la Concepciôn est incendiée le 3 mai 1521, « parce qu’il y avait trop peu d’équipage ». Enfin, le 18 décembre 1521, en appareillant du port de Tidore, la Trinidad est victime d’une voie d’eau et coule à pic. Mais le pire fléau reste la famine : « Nous ne mangions que de vieux biscuits tournés en poudre et pleins de vers et puants de l’odeur d’urine que les rats avaient fait dessus après avoir mangé le bon », écrit Pigafetta. Avec la famine, vient la maladie, principalement le scorbut.
Au terme de l’expédition et du premier tour du monde, il n’y a plus qu’un navire, la Victoria, qui prend l’eau de toute part : une partie de sa cargaison d’épices a dû être jetée à la mer afin de la délester. À son bord, 18 hommes menés par Sebastiano del Cano, un des mutins du Brésil. Quant à Magellan, c’est la guerre qu’il a entreprise aux Philippines qui a causé sa perte. En avril 1521, il est atteint par « une lance de canne envenimée au visage qui le tua tout raide ».
Image d’illustration
150 IDEES RECUES SUR L’HISTOIRE- ROULLET Antoine : Magellan a fait le tour du monde- First Histoire – pp. 154-155
MAGELLAN A FAIT LE TOUR DU MONDE : VRAI OU FAUX
PRÉFACE DE PIERRE BARON DIRECTEUR DE LA RÉDACTION D’HISTORIA
Le propre des idées reçues est qu’elles ne le sont quasiment jamais par hasard. L’histoire officielle, celle que les vainqueurs seuls écrivent, a toutes les chances d’être passée par là. En lançant ce qui n’était alors qu’une rubrique dans Historicité voulais montrer à quel point nous en étions toutes et tous, peu ou prou, imprégnés bien malgré nous. Souvent dès l’école. La lecture de ces pages devrait vous en convaincre aisément.
L’idée reçue dérange car elle révèle bien souvent un savoir erroné. C’est surtout vrai en ce qui concerne les religions (y compris pour le christianisme), mais on peut étendre cette méconnaissance à bien d’autres domaines. Le maître en la matière, souvent imité, jamais égalé, est un certain Gustave Flaubert. Son Dictionnaire des idées reçues abonde en clichés navrants, colportés aussi bien aux comptoirs que dans les dîners mondains, sur l’histoire, la politique, la médecine ou les arts. Justes dans leur charme féroce. Pertinents parce qu’impertinents. Un régal, certes un peu cruel, comme celui des micros-trottoirs, mais toujours opérant.
L’idée reçue est d’autant plus insidieuse quelle s’admet facilement : on ne la remet pas en cause. Pire : elle est donnée et reçue comme ayant force de vérité.
L’idée reçue a son mérite. Celle ou celui qui la réfute avec argument fait toujours son petit effet en société. Essayez, vous verrez. Vous allez pouvoir en étonner plus d’un. A commencer par vous-même ! C’est garanti. Sceptique ? Jetez donc un petit coup d’œil au sommaire de cet ouvrage.
MAGELLAN A FAIT LE TOUR DU MONDE
Ses cinq caravelles partent en 1519 pour la première circumnavigation. Trois ans plus tard, le capitaine débarque à Séville : FAUX
Grand navigateur et aventurier, il n’a pourtant pas pu terminer son périple autour du monde, étant mort en chemin. Ce qui n’enlève rien au fait que son voyage, dans les conditions de l’époque, soit un exploit. A lire le récit du chevalier Antonio de Pigafetta, l’un des rares survivants de l’expédition, cette prouesse tient davantage de l’épreuve ou du miracle que de la marche victorieuse. Les cinq caravelles de Magellan, aux noms des plus éloquents – San Antonio, Victoria, Conception, Santiago et Trinidad (le navire amiral) et les deux cent quarante hommes de l’expédition s’élancent de Séville le 10 août 1519 et passent sans encombre le cap Vert début octobre. Après ce trajet classique et connu, les dangers inhérents à toutes les traversées océaniques du début du XVI siècle semblent décuplés.
Confrontés à une terrible tempête dans l’Atlantique, les marins n’attendent plus que « l’heure de périr ». L’expédition ne doit son salut qu’aux apparitions de « saint Elme, sainte Claire et saint Nicolas » face auxquels les hommes d’équipage « crient miséricorde ». De fait, ils ont vu ce qu’on appelle depuis les « feux de saint Elme » un phénomène atmosphérique lié à l’orage qui produit des halos de lumière électrique en haut des mâts. Au mois de mars 1520, Magellan et ses hommes font escale dans la baie de San Julian, au Brésil.
Au cours de ces cinq mois d’hivernage, une mutinerie éclate : « Les patrons des autres navires machinèrent une trahison contre le capitaine général pour le vouloir faire mourir », relate Pigafetta.
Magellan fait décapiter Gaspar de Quesada, le capitaine de la Concepciôn puis abandonne Juan de Cartagena, l’ancien capitaine de la San Antonio. À ces rébellions s’ajoute la perte des navires à mesure que progresse l’expédition. La Santiago s’échoue alors qu’elle explore la côte de Patagonie. Les navires restant s’engagent dans le Pacifique, après avoir découvert le célèbre détroit qui portera le nom de Magellan, et atteignent l’archipel de Saint- Lazare, actuelles Philippines le 27 mars 1521. C’est au large de l’île Bohol, avant de reprendre la mer pour les îles Moluques, que la Concepciôn est incendiée le 3 mai 1521, « parce qu’il y avait trop peu d’équipage ». Enfin, le 18 décembre 1521, en appareillant du port de Tidore, la Trinidad est victime d’une voie d’eau et coule à pic. Mais le pire fléau reste la famine : « Nous ne mangions que de vieux biscuits tournés en poudre et pleins de vers et puants de l’odeur d’urine que les rats avaient fait dessus après avoir mangé le bon », écrit Pigafetta. Avec la famine, vient la maladie, principalement le scorbut.
Au terme de l’expédition et du premier tour du monde, il n’y a plus qu’un navire, la Victoria, qui prend l’eau de toute part : une partie de sa cargaison d’épices a dû être jetée à la mer afin de la délester. À son bord, 18 hommes menés par Sebastiano del Cano, un des mutins du Brésil. Quant à Magellan, c’est la guerre qu’il a entreprise aux Philippines qui a causé sa perte. En avril 1521, il est atteint par « une lance de canne envenimée au visage qui le tua tout raide ».
150 IDEES RECUES SUR L’HISTOIRE- ROULLET Antoine : Magellan a fait le tour du monde- First Histoire – pp. 154-155