Cette situation est-elle gratuite ? Non pas. La conférence qui était organisée dans la capitale du Cameroun avait pour objet la coordination des politiques et des économies des douze pays africains invités. Ses préoccupations essentielles concernaient la création d’une Union politique afro-malgache et la mise en place d’une organisation africaine et malgache de coopération économique (OAMCE). En ces premiers mois des indépendances africaines, les chefs d’Etat, encore marqués par l’expérience des luttes communes de l’époque coloniale toute proche, persuadés aussi, sans doute, du bien-fondé de l’unité de l’Afrique, restaient sensibles à l’idée d’un développement concerte de leurs pays. Ainsi, la conférence devait-elle se pencher sur les projets d’une représentation diplomatique et d’une défense commune, d’une entraide judiciaire, d’un conseil économique panafricain, d’une nationalité et d’une citoyenneté partagée, d’une coordination des télécommunications nationales, et d’une coopération économique plus dynamique.
C’étaient autant de considérations dans lesquelles se reconnaissait l’empreinte de l’homme qui craignait devant KWAME Nkrumah, en avril 1957, qu’une rupture précoce avec les métropoles occidentales n’oblige les jeunes pays souverains à gaspiller leurs rares ressources dans l’entretien à grands frais d’un service diplomatique et d’une année, au détriment d’une politique d’élévation du niveau de vie des populations
Pour Houphouët, ces préoccupations offraient également un milieu propice au projet d’une compagnie aérienne panafricaine. La création d’un tel instrument serait l’illustration concrète de cette coopération interafricaine dont l’idée fascinait tous les responsables politiques, même si les modalités de mise en œuvre les divisaient.
Si ces considérations étaient importantes, plus important était-il encore, aux yeux du président de la Côte d’Ivoire, que 1 aboutissement de toutes ces réflexions ait pour cadre Yaoundé. Les apparences montrent-elles seulement le centième du poids dont il avait pesé pour obtenir ce résultat ? Son raisonnement était simple. Il n’imaginait pas que le Cameroun montrât de l’indifférence à la défense d’un projet né sur son sol. Il espérait même, pour cette raison, un engagement déterminé de la part des autorités de ce pays, et il considérait que désormais cette perspective avait trouvé sa voie. C’est donc un homme comblé que l’on rencontre ce 28 mars 1961 à Yaoundé.
Sa satisfaction est d’autant plus grande qu’il voit la presse publier, immédiatement après la signature du Traité par les chefs d’État, Qu’« Air Afrique entrera officiellement en service d’ici trois mois».
La ratification du Traité et des protocoles annexes par les Parlements des Etats intéressés offre, certes, une bonne raison à ce délai. Ceux qui sont au cœur du dossier savent que cet argument n’explique pas tout qu’il ouvre également la porte à des développements à venir, parmi lesquels notamment la question du siège.
Quel problème posait le siège? Dans la mesure où la société commune avait un siégé social éclaté en autant de capitales qu’il y avait d’États signataires, c’était la ville d’accueil de la Direction générale qui était appelée à lui servir de siège véritable. Nulle part les statuts, contrairement à une opinion enracinée jusqu’aujourd’hui dans la croyance commune, ne tranchaient cette question en faveur d’Abidjan. Non seulement Yaoundé, qui avait abrité la réunion constitutive, était fondé à faire valoir des prétentions à ce privilège, en outre c’était là que le Traité et les Statuts, publiés en un seul exemplaire, devaient rester, déposés aux Archives du gouvernement, les Etats signataires n’en recevant que des copies certifiées conformes.
Mais Houphouët ne concevait pas les choses de cette façon. Ce n’était pas parce qu’il avait fait naître la société commune à Yaoundé qu’il fallait en concéder le siège à cette ville. Il fit en sorte que la précision que ne donnaient pas les statuts fût donnée dans le communiqué final de la réunion constitutive. « Les chefs d’Etat et de gouvernement, lit-on dans ce texte, ont signé le traité instituant une société commune de transports aériens dénommée Air Afrique et dont le siège administratif a été fixé à Abidjan. »18 Rien ne montrait mieux le résultat d’une négociation politique. Rien surtout n’attestait mieux l’idée du président de la Côte d’ivoire de ne faire naître la nouvelle société au pays d’Ahmadou Ahidjo que pour y impliquer le Cameroun.
Pas plus qu’ils ne tranchent la question du siège social en faveur d’Abidjan, les statuts ne réservent à la Côte d’Ivoire le privilège exclusif de fondateur de la société commune, avec la Sodetraf. L’Etat de Côte d’Ivoire sera certes, avec la Sodetraf, l’instance qui représentera effectivement les onze pays africains membres de la nouvelle multinationale dans les relations de cette dernière avec les tiers. Mais cela n’était pas le fait d’une disposition statutaire. C’était une fois encore, le résultat d’arrangements politiques qui attestaient la grande efficacité du président Houphouët dans la gestion du dossier.
Après le pays du président Ahidjo, il reste à voir comment Houphouët va s’y prendre pour impliquer celui du président Senghor. Il avait dit à Hamani Diori et à Derlin Zinsou, en les envoyant vers le poète, qu ils poux aient lui faire part de sa détermination à ne guère négliger les intérêts du Sénégal : « J’ai une surprise pour son pays ». les avait-il autorisés à lui confier, sans plus de détails. On saurait plus tard qu’il signifiait par-là la nomination d’un Sénégalais à la tête de la nouvelle compagnie.
Mais, ce n’était pas parce qu’il voulait ainsi allécher Senghor qu’il entendait lui laisser le choix du cadre sénégalais qui viendrait diriger Air Afrique. Avant même qu’il ne le fasse approcher par ses émissaires, il savait que le premier président de la compagnie ne serait personne d’autre que Fal Cheick. Il tenait à ce nom pour une double raison, relative à la fois à Senghor et à la jeunesse ivoirienne.
Avec Senghor, son raisonnement était du même type que ce qu’il s’était tenu à l’égard d’Ahidjo. Il n’imaginait nullement que le chef d’État sénégalais pût ni s’opposer à la nomination d’un cadre de son pays à la tête d’Air Afrique d’où que vienne cette nomination, ni tenir Dakar à l’écart d’une compagnie africaine dirigée justement par un Sénégalais.
Quant à la jeunesse ivoirienne, en quoi pouvait-elle être concernée par le choix de Fal Cheick ? On ne peut le savoir si on ne considère pas le rapport de ce haut cadre sénégalais à la Côte d’Ivoire. Houphouët avait remarqué Fal Cheick dès les années 1950, parmi les étudiants africains de Paris qui lui rendaient parfois visite, pour chicaner sur ses positions politiques. Lejeune homme dirigeait alors un des nombreux groupuscules qui formaient la nébuleuse des associations d’étudiants africains. Lequel ? Ni lui-même ni Malick Sangaret qui prononce son nom dans révocation des associations d’étudiants de l’époque à Paris, ne se montrent très précis. « Il m’avait reçu en tant que président de l’association des étudiants africains » se borne à signaler l’intéressé
Fall Cheick était alors inscrit à Sup-Élec, d’où il sortirait ingénieur électricien en 1951. EDF serait son premier employeur. Après cinq années de présence sur divers chantiers, notamment dans le sud de la France, il part plus au sud encore, en Côte d’ivoire, en 1957. Il est détaché dans ce pays par EDF, à la requête d’ e d’Houphouët, pour prendre part aux travaux de construction du barrage d’Ayamé1 sur la Bia, à, 20 km d’Aboisso. Depuis leur rencontre des années d’étudiant, confiera-t-il plusieurs années plus tard, « j’ai pu apprécier l’aura de cet homme exceptionnel et n’ai point hésité à lui apporter mon entier dévouement. C’est ainsi qu’il a fait appel à moi à l’occasion de la construction du barrage d’Ayamé, et j’ai aussitôt rejoint la Côte d’Ivoire après qu’il eut négocié mon détachement avec Electricité de France qui était à l’époque mon employeur »
En 1959, s’achève le chantier d’Ayamé 1. Fal Cheick a le choix entre retourner en France ou rentrer au Sénégal. Il ne fera ni l’un ni l’autre. Captivé par la Côte d’ivoire, il revoit Jean Delafosse, alors président du conseil d’administration de l’EECI, pour solliciter son maintien dans cette société. Il aura ainsi un rôle à jouer dans la modernisation de la centrale à vapeur d’Abidjan, dont dépendent l’extension du réseau et les premières actionsde vulgarisation du courant en Côte d’Ivoire. Dans ce pays « ou il séjourne désormais avec sa famille, poursuit Jean – Claude Delafosse, Fal Cheick se lie d’amitié avec de nombreux cadres, aussi bien les « Métros » débarqués comme lui de France que les anciens. Ainsi, la famille Fai est-elle de toutes les réunions sociales de notre pays ».
À l’EECI comme à Ayamé, il laisse la réputation d’un ingénieur rigoureux et âpre au travail, dont la notoriété ne manque pas de susciter craintes et convoitises dans la jeunesse ivoirienne. Les gazettes d’Abidjan, suspectant « nos responsables politiques » de vouloir le nommer « ministre probable de quelque chose en Côte d’ivoire », vont bientôt jusqu’à en appeler à la vigilance de «l’opinion », dénonçant dès cette époque la propension des autorités politiques à ignorer en tout domaine la préférence nationale. Fal Cheick finit par rentrer au Sénégal, toujours au titre d’EDF à laquelle il restera d’ailleurs affilié jusqu’à la retraite.
Houphouët n’avait donc pas pu récompenser, à l’époque, les services d’un grand bâtisseur de la Côte d’ivoire. A travers la propulsion de ce jeune homme de 37 ans à la tête d’une compagnie panafricaine installée à Abidjan, il tient une belle revanche vis-à-vis de la jeunesse ivoirienne qui avait montré une certaine désobligeance à l’égard de Fal Cheick quelques années plus tôt.
In Félix Houphouët – Boigny : L’épreuve du pouvoir (1960- 1980) – Frédéric GRAH MEL – CERAP, KARTHALA – Chap.23 – pp 474-479
Partie 3 : Le Choix du siège
Cette situation est-elle gratuite ? Non pas. La conférence qui était organisée dans la capitale du Cameroun avait pour objet la coordination des politiques et des économies des douze pays africains invités. Ses préoccupations essentielles concernaient la création d’une Union politique afro-malgache et la mise en place d’une organisation africaine et malgache de coopération économique (OAMCE). En ces premiers mois des indépendances africaines, les chefs d’Etat, encore marqués par l’expérience des luttes communes de l’époque coloniale toute proche, persuadés aussi, sans doute, du bien-fondé de l’unité de l’Afrique, restaient sensibles à l’idée d’un développement concerte de leurs pays. Ainsi, la conférence devait-elle se pencher sur les projets d’une représentation diplomatique et d’une défense commune, d’une entraide judiciaire, d’un conseil économique panafricain, d’une nationalité et d’une citoyenneté partagée, d’une coordination des télécommunications nationales, et d’une coopération économique plus dynamique.
C’étaient autant de considérations dans lesquelles se reconnaissait l’empreinte de l’homme qui craignait devant KWAME Nkrumah, en avril 1957, qu’une rupture précoce avec les métropoles occidentales n’oblige les jeunes pays souverains à gaspiller leurs rares ressources dans l’entretien à grands frais d’un service diplomatique et d’une année, au détriment d’une politique d’élévation du niveau de vie des populations
Pour Houphouët, ces préoccupations offraient également un milieu propice au projet d’une compagnie aérienne panafricaine. La création d’un tel instrument serait l’illustration concrète de cette coopération interafricaine dont l’idée fascinait tous les responsables politiques, même si les modalités de mise en œuvre les divisaient.
Si ces considérations étaient importantes, plus important était-il encore, aux yeux du président de la Côte d’Ivoire, que 1 aboutissement de toutes ces réflexions ait pour cadre Yaoundé. Les apparences montrent-elles seulement le centième du poids dont il avait pesé pour obtenir ce résultat ? Son raisonnement était simple. Il n’imaginait pas que le Cameroun montrât de l’indifférence à la défense d’un projet né sur son sol. Il espérait même, pour cette raison, un engagement déterminé de la part des autorités de ce pays, et il considérait que désormais cette perspective avait trouvé sa voie. C’est donc un homme comblé que l’on rencontre ce 28 mars 1961 à Yaoundé.
Sa satisfaction est d’autant plus grande qu’il voit la presse publier, immédiatement après la signature du Traité par les chefs d’État, Qu’« Air Afrique entrera officiellement en service d’ici trois mois».
La ratification du Traité et des protocoles annexes par les Parlements des Etats intéressés offre, certes, une bonne raison à ce délai. Ceux qui sont au cœur du dossier savent que cet argument n’explique pas tout qu’il ouvre également la porte à des développements à venir, parmi lesquels notamment la question du siège.
Quel problème posait le siège? Dans la mesure où la société commune avait un siégé social éclaté en autant de capitales qu’il y avait d’États signataires, c’était la ville d’accueil de la Direction générale qui était appelée à lui servir de siège véritable. Nulle part les statuts, contrairement à une opinion enracinée jusqu’aujourd’hui dans la croyance commune, ne tranchaient cette question en faveur d’Abidjan. Non seulement Yaoundé, qui avait abrité la réunion constitutive, était fondé à faire valoir des prétentions à ce privilège, en outre c’était là que le Traité et les Statuts, publiés en un seul exemplaire, devaient rester, déposés aux Archives du gouvernement, les Etats signataires n’en recevant que des copies certifiées conformes.
Mais Houphouët ne concevait pas les choses de cette façon. Ce n’était pas parce qu’il avait fait naître la société commune à Yaoundé qu’il fallait en concéder le siège à cette ville. Il fit en sorte que la précision que ne donnaient pas les statuts fût donnée dans le communiqué final de la réunion constitutive. « Les chefs d’Etat et de gouvernement, lit-on dans ce texte, ont signé le traité instituant une société commune de transports aériens dénommée Air Afrique et dont le siège administratif a été fixé à Abidjan. »18 Rien ne montrait mieux le résultat d’une négociation politique. Rien surtout n’attestait mieux l’idée du président de la Côte d’ivoire de ne faire naître la nouvelle société au pays d’Ahmadou Ahidjo que pour y impliquer le Cameroun.
Pas plus qu’ils ne tranchent la question du siège social en faveur d’Abidjan, les statuts ne réservent à la Côte d’Ivoire le privilège exclusif de fondateur de la société commune, avec la Sodetraf. L’Etat de Côte d’Ivoire sera certes, avec la Sodetraf, l’instance qui représentera effectivement les onze pays africains membres de la nouvelle multinationale dans les relations de cette dernière avec les tiers. Mais cela n’était pas le fait d’une disposition statutaire. C’était une fois encore, le résultat d’arrangements politiques qui attestaient la grande efficacité du président Houphouët dans la gestion du dossier.
Après le pays du président Ahidjo, il reste à voir comment Houphouët va s’y prendre pour impliquer celui du président Senghor. Il avait dit à Hamani Diori et à Derlin Zinsou, en les envoyant vers le poète, qu ils poux aient lui faire part de sa détermination à ne guère négliger les intérêts du Sénégal : « J’ai une surprise pour son pays ». les avait-il autorisés à lui confier, sans plus de détails. On saurait plus tard qu’il signifiait par-là la nomination d’un Sénégalais à la tête de la nouvelle compagnie.
Mais, ce n’était pas parce qu’il voulait ainsi allécher Senghor qu’il entendait lui laisser le choix du cadre sénégalais qui viendrait diriger Air Afrique. Avant même qu’il ne le fasse approcher par ses émissaires, il savait que le premier président de la compagnie ne serait personne d’autre que Fal Cheick. Il tenait à ce nom pour une double raison, relative à la fois à Senghor et à la jeunesse ivoirienne.
Avec Senghor, son raisonnement était du même type que ce qu’il s’était tenu à l’égard d’Ahidjo. Il n’imaginait nullement que le chef d’État sénégalais pût ni s’opposer à la nomination d’un cadre de son pays à la tête d’Air Afrique d’où que vienne cette nomination, ni tenir Dakar à l’écart d’une compagnie africaine dirigée justement par un Sénégalais.
Quant à la jeunesse ivoirienne, en quoi pouvait-elle être concernée par le choix de Fal Cheick ? On ne peut le savoir si on ne considère pas le rapport de ce haut cadre sénégalais à la Côte d’Ivoire. Houphouët avait remarqué Fal Cheick dès les années 1950, parmi les étudiants africains de Paris qui lui rendaient parfois visite, pour chicaner sur ses positions politiques. Lejeune homme dirigeait alors un des nombreux groupuscules qui formaient la nébuleuse des associations d’étudiants africains. Lequel ? Ni lui-même ni Malick Sangaret qui prononce son nom dans révocation des associations d’étudiants de l’époque à Paris, ne se montrent très précis. « Il m’avait reçu en tant que président de l’association des étudiants africains » se borne à signaler l’intéressé
Fall Cheick était alors inscrit à Sup-Élec, d’où il sortirait ingénieur électricien en 1951. EDF serait son premier employeur. Après cinq années de présence sur divers chantiers, notamment dans le sud de la France, il part plus au sud encore, en Côte d’ivoire, en 1957. Il est détaché dans ce pays par EDF, à la requête d’ e d’Houphouët, pour prendre part aux travaux de construction du barrage d’Ayamé1 sur la Bia, à, 20 km d’Aboisso. Depuis leur rencontre des années d’étudiant, confiera-t-il plusieurs années plus tard, « j’ai pu apprécier l’aura de cet homme exceptionnel et n’ai point hésité à lui apporter mon entier dévouement. C’est ainsi qu’il a fait appel à moi à l’occasion de la construction du barrage d’Ayamé, et j’ai aussitôt rejoint la Côte d’Ivoire après qu’il eut négocié mon détachement avec Electricité de France qui était à l’époque mon employeur »
En 1959, s’achève le chantier d’Ayamé 1. Fal Cheick a le choix entre retourner en France ou rentrer au Sénégal. Il ne fera ni l’un ni l’autre. Captivé par la Côte d’ivoire, il revoit Jean Delafosse, alors président du conseil d’administration de l’EECI, pour solliciter son maintien dans cette société. Il aura ainsi un rôle à jouer dans la modernisation de la centrale à vapeur d’Abidjan, dont dépendent l’extension du réseau et les premières actionsde vulgarisation du courant en Côte d’Ivoire. Dans ce pays « ou il séjourne désormais avec sa famille, poursuit Jean – Claude Delafosse, Fal Cheick se lie d’amitié avec de nombreux cadres, aussi bien les « Métros » débarqués comme lui de France que les anciens. Ainsi, la famille Fai est-elle de toutes les réunions sociales de notre pays ».
À l’EECI comme à Ayamé, il laisse la réputation d’un ingénieur rigoureux et âpre au travail, dont la notoriété ne manque pas de susciter craintes et convoitises dans la jeunesse ivoirienne. Les gazettes d’Abidjan, suspectant « nos responsables politiques » de vouloir le nommer « ministre probable de quelque chose en Côte d’ivoire », vont bientôt jusqu’à en appeler à la vigilance de «l’opinion », dénonçant dès cette époque la propension des autorités politiques à ignorer en tout domaine la préférence nationale. Fal Cheick finit par rentrer au Sénégal, toujours au titre d’EDF à laquelle il restera d’ailleurs affilié jusqu’à la retraite.
Houphouët n’avait donc pas pu récompenser, à l’époque, les services d’un grand bâtisseur de la Côte d’ivoire. A travers la propulsion de ce jeune homme de 37 ans à la tête d’une compagnie panafricaine installée à Abidjan, il tient une belle revanche vis-à-vis de la jeunesse ivoirienne qui avait montré une certaine désobligeance à l’égard de Fal Cheick quelques années plus tôt.
In Félix Houphouët – Boigny : L’épreuve du pouvoir (1960- 1980) – Frédéric GRAH MEL – CERAP, KARTHALA – Chap.23 – pp 474-479