Picture released on October 19, 1963 of President and first CEO of Air Afrique Cheikh Boubacar Fall for the launch of the African airline, delivers a speech in front of a DC-8 during ceremonies at Dulles International Airport, Washington DC. (Photo by AFP) (Photo by -/AFP via Getty Images)
Partie 1 : Péripéties d’une création
Qu’était-il arrivé au chauffeur du directeur général de l’UAT pour qu’il fut introuvable au moment où il devait conduire son patron à un rendez-vous avec Félix Houphouët-Boigny ? C’était un jour du mois de mars 1960. La plupart des grandes figures du RDA. Hubert Maga du Dahomey, Hamani Diori du Niger, Maurice Yaméogo de la Haute- Volta, Léon M’Ba du Gabon, étaient réunis autour du président de leur mouvement. Comme l’ensemble des dirigeants de l’Afrique noire française, ils avaient été attirés à Paris pour ce qui allait être la toute dernière réunion du conseil exécutif de la Communauté franco- africaine. C’était une occasion que ne voulait pas manquer la direction de l’Union aéromaritime des transports (UAT) pour rencontrer et persuader ces futurs chefs d’Etat de la nécessité de créer des compagnies aériennes dans leurs différents territoires.
Les hauts responsables de l’UAT savaient-ils que, quelque trente années plus tôt, la Pan American Airways avait créé des lignes commerciales intérieures dans divers pays d’Amérique Latine, qui avaient ensuite donné lieu à des compagnies nationales indépendantes, s’équipant auprès de fournisseurs américains ?’ C’était en tout cas le schéma qu’ils avaient voulu eux aussi soumettre aux responsables africains. En discuter avec eux leur paraissait d’autant plus urgent qu’Air France s’apprêtait également à soumettre aux mêmes interlocuteurs un projet concurrent.
Jean-Claude Delafosse était alors employé au service des Relations extérieures de l’UAT. Il avait été mis dans la confidence, dans le but d’entreprendre Houphouët, chez lequel ses patrons savaient que le fils de Jean Delafosse avait ses habitudes. Gêné de voir ces derniers attendre après un chauffeur introuvable et soucieux d’arriver à l’heure à un rendez-vous avec tant de hautes personnalités, il propose qu’on le laisse prendre le volant. C’est donc lui qui, à bord de la luxueuse Simca Chambord du directeur général Jean Combard, conduit ce dernier, ainsi que le directeur adjoint Roger Loubry, en direction de Paris. Partis des bureaux de la compagnie au Bourget, ils foncent vers le domicile parisien d’Houphouët, au 20 avenue Mac-Mahon.
Le chauffeur occasionnel de cet important rendez-vous avait été autorisé, quelques jours plus tôt, à s’ouvrir à Houphouët des préoccupations de ses employeurs. Houphouët s’était borné à lui demander pourquoi ils voulaient proposer plusieurs compagnies et non une seule pour tout le monde. Il n’avait pas eu d’autre réaction et n’avait plus fait cas du sujet, malgré le communicatif enthousiasme manifesté pour le projet par son ami Ladji Sidibé, témoin du court échange.
Pourquoi plusieurs compagnies, c’est la question qu’il pose également à ses hôtes en les recevant chez lui, quelques jours plus tard. Depuis quinze ans qu’il parcourt les pays africains et voyage entre ceux-ci et l’Europe malgré une peur viscérale de l’avion, il a eu le temps de découvrir l’importance des transports aériens, de réfléchir à leur nécessité dans le rapprochement des peuples, de s’intéresser à leurs coûts prohibitifs et d’admettre la nécessité, pour les Africains, d’unir leurs forces pour faire face efficacement aux contraintes de ce moyen de déplacement incontournable. La campagne du référendum de 1958 avait été l’une des dernières occasions où il avait publiquement exprimé sa vision de la politique des transports aériens en Afrique. Le 7 septembre à Abidjan, lors d’un meeting au stade Géo André, il avait dit : « J’aimerais vous voir, vous ici, avec votre ligne aérienne propre, sans le concours métropolitain, voir votre ligne rayonner dans tous les airs ! Il y ci des difficultés, mes amis. Mais ces difficultés peuvent être surmontées dans un ensemble communautaire, à moins que vous ne vous contentiez, comme un certain pays indépendant dont les bateaux passent en grand nombre dans le canal de Suez – c’est la deuxième flotte mondiale – de prêter votre pavillon sans avoir un seul bateau propre. C ‘est peut-être cela que vous préférez ? les faux prestiges, les faux semblants ! Non, pas de ça. Il s’agit maintenant de choses sérieuses. »
C’est donc un homme averti que rencontrent les deux hauts responsables de l’UAT qui se sont déplacés chez lui. À sa question de savoir pourquoi une nuée de petites compagnies territoriales, ils répondent qu’ils font des offres individuelles parce qu’il leur est plus simple de traiter avec les territoires individuellement. Ils peuvent également faire des offres par région, parce que la Fédération du Mali ou le Conseil de l’entente sont des groupements régionaux qui peuvent parler d’une seule et même voix. Ils doivent avoir l’honnêteté de reconnaître qu’ils n’ont pas songé à aller au-delà de ces entités. A qui auraient-ils pu s’adresser comme porte-parole de toute l’Afrique ?
Houphouët, reprenant la parole, leur demande de considérer l’élan qui a attiré à Paris tous les responsables de l’Afrique française. Les uns sont membres du Conseil de l’entente, leur explique-t-il, les autres non. Les uns sont membres de la Fédération du Mali, les autres non. Les uns sont RDA, les autres non. Pourtant nous sommes tous aujourd’hui à Paris, par-delà les chapelles, réunis pour la Communauté franco- africaine. Et il conclut : faites-nous une proposition commune, pour une compagnie qui nous engage tous. Certes, c’est à des responsables RDA que vous vous adressez ici, mais ce sera à nous de convaincre les autres de venir avec nous, notamment le Sénégal et le Cameroun qui sont, en fin de compte, les seuls territoires qui échappent au RDA.
Combard et Loubry, après avoir renouvelé quelques formules de politesse, répondent à leur hôte qu’il ne peut pas savoir à quel point sa vision du projet leur convient. S’ils sont heureux de l’accueil qui leur est réservé, ils le sont surtout pour une aventure dans laquelle, en raison de cette vision, ils n’auront pas à disperser leurs efforts, à multiplier leurs forces. Ils sont donc partants pour la création d’une grande compagnie aérienne panafricaine, au lieu d’une kyrielle de compagnies nationales insignifiantes.
Pour l’Afrique, renchérit Houphouët, il ne peut y avoir que des avantages à développer une entreprise commune. Une grande compagnie panafricaine, explique-t-il, nous permettra de faciliter nos rapports là où ils existent, et de les créer là où ils n’existent pas. Elle sera nécessairement pour nous la clé d’un meilleur devenir. Les pays qui ne sont pas financièrement solides en profiteront en effet autant que les autres. C’est vraiment sur ce chemin qu’il faut nous engager. Il ne faut pas vous polariser sur nos petites divisions politiques, insiste-t-il. L’aérien n’a rien de politique. Aucun responsable africain ne lait de la politique dans les airs. C’est sur terre que nous pratiquons la politique, et là, il y a une chose que nous savons très bien, c’est notre désir d’être reliés entre nous et avec l’extérieur.
Comme tous les responsables RDA présents à cette séance de travail manifestent leur détermination à agir avec célérité, ils proposent que l’on ne se sépare pas sans avoir trouvé le nom de la compagnie aérienne commune à créer. S’ensuivent quelques instants de tâtonnement. On considère Air AOF, Air AEF. Et c’est Houphouët qui, rappelant que les pays concernés par le projet s’étendent au-delà de ces entités, hasarde l’appellation d’Air Afrique en demandant aux autres ce qu’ils en pensent.
Une seule objection est opposée à sa proposition. Elle vient de Jean- Claude Delafosse qui se permet de signaler qu’à sa connaissance, ce nom a déjà existé pour une compagnie qui prenait le relais de la Sabena, à I intérieur du domaine colonial du roi des Belges. En fait, le jeune homme se souvenait confusément d’une régie de l’Etat français qui avait effectivement existé dans les années 30 sous le nom d’« Air Afrique» et qui desservait Brazzaville au départ d’Alger, en alternance avec une ligne belge qui aboutissait à Léopoldville.
Sur cette lointaine ancêtre de la future multinationale africaine, on trouve des détails fort intéressants dans un récit de voyage de Gaston Bergery, publié en 1937 sous le titre Air Afrique Voie impériale. D’après ce livre, le voyage d’ouverture de la régie française avait eu lieu en 1936. L’itinéraire joignait Paris à ce qu’on appelait alors le Congo Océan, en passant par Alger, El Goléa, Aoulef et Aguel-Hoc en Algérie, Gao, Niamey et Zinder au Niger, Fort-Lamy au Tchad, Fort Archambault et Bangui en Oubangui-Chari, Coquilhatevillc au Congo belge, et Brazzaville au Congo. « La liaison aérienne Paris-Congo, écrit 1’auteur, est assurée tous les huit jours alternativement par la ligne française et la ligne belge. » Et il précise : « Les itinéraires sont les mêmes à peu près : la ligne belge passe par Oran au lieu d’Alger et aboutit à Léopoldville en Congo belge, au lieu de Brazzaville en Congo français, ces deux villes n ‘étant d’ailleurs séparées que par le fleuve formant à cet endroit le Stanley Pool. La ligne française est exploitée par la société Air France jusqu’à Alger et, au-delà d’Alger, par la régie d’Etat Air Afrique. La ligne belge est exploitée par la compagnie Sabena. »
Tirant donc cette lointaine Air Afrique de ses réminiscences, Jean- Claude Delafosse assure qu’elle n’existe plus depuis plusieurs années, mais qu’il ne sait pas si le nom est déjà tombé dans le domaine public.
Si cette compagnie n’existe plus, rétorque Houphouët, pourquoi son ancien nom nous serait-il interdit ? L’Afrique n’est pas la propriété d’une seule personne, cette personne fût-elle le roi des Belges. Si le nom d’Air Afrique est vraiment ce qui convient à tous ici, je vais entreprendre des démarches, conclut-il, pour nous en rendre l’utilisation possible.
À partir de cette rencontre de l’avenue Mac-Mahon, UAT n’aura que douze mois, une petite année, pour monter le dossier de la société multinationale Air Afrique.
In Félix Houphouët – Boigny : L’épreuve du pouvoir (1960- 1980) – Frédéric GRAH MEL – CERAP, KARTHALA – Chap.23 – pp 465-470
Partie 1 : Péripéties d’une création
Qu’était-il arrivé au chauffeur du directeur général de l’UAT pour qu’il fut introuvable au moment où il devait conduire son patron à un rendez-vous avec Félix Houphouët-Boigny ? C’était un jour du mois de mars 1960. La plupart des grandes figures du RDA. Hubert Maga du Dahomey, Hamani Diori du Niger, Maurice Yaméogo de la Haute- Volta, Léon M’Ba du Gabon, étaient réunis autour du président de leur mouvement. Comme l’ensemble des dirigeants de l’Afrique noire française, ils avaient été attirés à Paris pour ce qui allait être la toute dernière réunion du conseil exécutif de la Communauté franco- africaine. C’était une occasion que ne voulait pas manquer la direction de l’Union aéromaritime des transports (UAT) pour rencontrer et persuader ces futurs chefs d’Etat de la nécessité de créer des compagnies aériennes dans leurs différents territoires.
Les hauts responsables de l’UAT savaient-ils que, quelque trente années plus tôt, la Pan American Airways avait créé des lignes commerciales intérieures dans divers pays d’Amérique Latine, qui avaient ensuite donné lieu à des compagnies nationales indépendantes, s’équipant auprès de fournisseurs américains ?’ C’était en tout cas le schéma qu’ils avaient voulu eux aussi soumettre aux responsables africains. En discuter avec eux leur paraissait d’autant plus urgent qu’Air France s’apprêtait également à soumettre aux mêmes interlocuteurs un projet concurrent.
Jean-Claude Delafosse était alors employé au service des Relations extérieures de l’UAT. Il avait été mis dans la confidence, dans le but d’entreprendre Houphouët, chez lequel ses patrons savaient que le fils de Jean Delafosse avait ses habitudes. Gêné de voir ces derniers attendre après un chauffeur introuvable et soucieux d’arriver à l’heure à un rendez-vous avec tant de hautes personnalités, il propose qu’on le laisse prendre le volant. C’est donc lui qui, à bord de la luxueuse Simca Chambord du directeur général Jean Combard, conduit ce dernier, ainsi que le directeur adjoint Roger Loubry, en direction de Paris. Partis des bureaux de la compagnie au Bourget, ils foncent vers le domicile parisien d’Houphouët, au 20 avenue Mac-Mahon.
Le chauffeur occasionnel de cet important rendez-vous avait été autorisé, quelques jours plus tôt, à s’ouvrir à Houphouët des préoccupations de ses employeurs. Houphouët s’était borné à lui demander pourquoi ils voulaient proposer plusieurs compagnies et non une seule pour tout le monde. Il n’avait pas eu d’autre réaction et n’avait plus fait cas du sujet, malgré le communicatif enthousiasme manifesté pour le projet par son ami Ladji Sidibé, témoin du court échange.
Pourquoi plusieurs compagnies, c’est la question qu’il pose également à ses hôtes en les recevant chez lui, quelques jours plus tard. Depuis quinze ans qu’il parcourt les pays africains et voyage entre ceux-ci et l’Europe malgré une peur viscérale de l’avion, il a eu le temps de découvrir l’importance des transports aériens, de réfléchir à leur nécessité dans le rapprochement des peuples, de s’intéresser à leurs coûts prohibitifs et d’admettre la nécessité, pour les Africains, d’unir leurs forces pour faire face efficacement aux contraintes de ce moyen de déplacement incontournable. La campagne du référendum de 1958 avait été l’une des dernières occasions où il avait publiquement exprimé sa vision de la politique des transports aériens en Afrique. Le 7 septembre à Abidjan, lors d’un meeting au stade Géo André, il avait dit : « J’aimerais vous voir, vous ici, avec votre ligne aérienne propre, sans le concours métropolitain, voir votre ligne rayonner dans tous les airs ! Il y ci des difficultés, mes amis. Mais ces difficultés peuvent être surmontées dans un ensemble communautaire, à moins que vous ne vous contentiez, comme un certain pays indépendant dont les bateaux passent en grand nombre dans le canal de Suez – c’est la deuxième flotte mondiale – de prêter votre pavillon sans avoir un seul bateau propre. C ‘est peut-être cela que vous préférez ? les faux prestiges, les faux semblants ! Non, pas de ça. Il s’agit maintenant de choses sérieuses. »
C’est donc un homme averti que rencontrent les deux hauts responsables de l’UAT qui se sont déplacés chez lui. À sa question de savoir pourquoi une nuée de petites compagnies territoriales, ils répondent qu’ils font des offres individuelles parce qu’il leur est plus simple de traiter avec les territoires individuellement. Ils peuvent également faire des offres par région, parce que la Fédération du Mali ou le Conseil de l’entente sont des groupements régionaux qui peuvent parler d’une seule et même voix. Ils doivent avoir l’honnêteté de reconnaître qu’ils n’ont pas songé à aller au-delà de ces entités. A qui auraient-ils pu s’adresser comme porte-parole de toute l’Afrique ?
Houphouët, reprenant la parole, leur demande de considérer l’élan qui a attiré à Paris tous les responsables de l’Afrique française. Les uns sont membres du Conseil de l’entente, leur explique-t-il, les autres non. Les uns sont membres de la Fédération du Mali, les autres non. Les uns sont RDA, les autres non. Pourtant nous sommes tous aujourd’hui à Paris, par-delà les chapelles, réunis pour la Communauté franco- africaine. Et il conclut : faites-nous une proposition commune, pour une compagnie qui nous engage tous. Certes, c’est à des responsables RDA que vous vous adressez ici, mais ce sera à nous de convaincre les autres de venir avec nous, notamment le Sénégal et le Cameroun qui sont, en fin de compte, les seuls territoires qui échappent au RDA.
Combard et Loubry, après avoir renouvelé quelques formules de politesse, répondent à leur hôte qu’il ne peut pas savoir à quel point sa vision du projet leur convient. S’ils sont heureux de l’accueil qui leur est réservé, ils le sont surtout pour une aventure dans laquelle, en raison de cette vision, ils n’auront pas à disperser leurs efforts, à multiplier leurs forces. Ils sont donc partants pour la création d’une grande compagnie aérienne panafricaine, au lieu d’une kyrielle de compagnies nationales insignifiantes.
Pour l’Afrique, renchérit Houphouët, il ne peut y avoir que des avantages à développer une entreprise commune. Une grande compagnie panafricaine, explique-t-il, nous permettra de faciliter nos rapports là où ils existent, et de les créer là où ils n’existent pas. Elle sera nécessairement pour nous la clé d’un meilleur devenir. Les pays qui ne sont pas financièrement solides en profiteront en effet autant que les autres. C’est vraiment sur ce chemin qu’il faut nous engager. Il ne faut pas vous polariser sur nos petites divisions politiques, insiste-t-il. L’aérien n’a rien de politique. Aucun responsable africain ne lait de la politique dans les airs. C’est sur terre que nous pratiquons la politique, et là, il y a une chose que nous savons très bien, c’est notre désir d’être reliés entre nous et avec l’extérieur.
Comme tous les responsables RDA présents à cette séance de travail manifestent leur détermination à agir avec célérité, ils proposent que l’on ne se sépare pas sans avoir trouvé le nom de la compagnie aérienne commune à créer. S’ensuivent quelques instants de tâtonnement. On considère Air AOF, Air AEF. Et c’est Houphouët qui, rappelant que les pays concernés par le projet s’étendent au-delà de ces entités, hasarde l’appellation d’Air Afrique en demandant aux autres ce qu’ils en pensent.
Une seule objection est opposée à sa proposition. Elle vient de Jean- Claude Delafosse qui se permet de signaler qu’à sa connaissance, ce nom a déjà existé pour une compagnie qui prenait le relais de la Sabena, à I intérieur du domaine colonial du roi des Belges. En fait, le jeune homme se souvenait confusément d’une régie de l’Etat français qui avait effectivement existé dans les années 30 sous le nom d’« Air Afrique» et qui desservait Brazzaville au départ d’Alger, en alternance avec une ligne belge qui aboutissait à Léopoldville.
Sur cette lointaine ancêtre de la future multinationale africaine, on trouve des détails fort intéressants dans un récit de voyage de Gaston Bergery, publié en 1937 sous le titre Air Afrique Voie impériale. D’après ce livre, le voyage d’ouverture de la régie française avait eu lieu en 1936. L’itinéraire joignait Paris à ce qu’on appelait alors le Congo Océan, en passant par Alger, El Goléa, Aoulef et Aguel-Hoc en Algérie, Gao, Niamey et Zinder au Niger, Fort-Lamy au Tchad, Fort Archambault et Bangui en Oubangui-Chari, Coquilhatevillc au Congo belge, et Brazzaville au Congo. « La liaison aérienne Paris-Congo, écrit 1’auteur, est assurée tous les huit jours alternativement par la ligne française et la ligne belge. » Et il précise : « Les itinéraires sont les mêmes à peu près : la ligne belge passe par Oran au lieu d’Alger et aboutit à Léopoldville en Congo belge, au lieu de Brazzaville en Congo français, ces deux villes n ‘étant d’ailleurs séparées que par le fleuve formant à cet endroit le Stanley Pool. La ligne française est exploitée par la société Air France jusqu’à Alger et, au-delà d’Alger, par la régie d’Etat Air Afrique. La ligne belge est exploitée par la compagnie Sabena. »
Tirant donc cette lointaine Air Afrique de ses réminiscences, Jean- Claude Delafosse assure qu’elle n’existe plus depuis plusieurs années, mais qu’il ne sait pas si le nom est déjà tombé dans le domaine public.
Si cette compagnie n’existe plus, rétorque Houphouët, pourquoi son ancien nom nous serait-il interdit ? L’Afrique n’est pas la propriété d’une seule personne, cette personne fût-elle le roi des Belges. Si le nom d’Air Afrique est vraiment ce qui convient à tous ici, je vais entreprendre des démarches, conclut-il, pour nous en rendre l’utilisation possible.
À partir de cette rencontre de l’avenue Mac-Mahon, UAT n’aura que douze mois, une petite année, pour monter le dossier de la société multinationale Air Afrique.
In Félix Houphouët – Boigny : L’épreuve du pouvoir (1960- 1980) – Frédéric GRAH MEL – CERAP, KARTHALA – Chap.23 – pp 465-470